La RQTH : qu’est-ce que c’est ? Un levier, plus qu’un simple statut

On entend souvent parler de la RQTH, sans toujours saisir sa portée réelle. La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est un dispositif administratif relevant de la MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées). Elle permet de bénéficier d’un accompagnement adapté à sa situation, aussi bien pour accéder à l’emploi que pour le conserver, en mobilisant des dispositifs spécifiques [Service-public.fr].

Mais contrairement à ce que beaucoup imaginent, la RQTH ne se destine pas uniquement aux situations de handicap visibles ou sévères. La majorité des handicaps déclarés sont aujourd’hui « invisibles » : troubles chroniques, maladies invalidantes, troubles psychiques ou du spectre autistique… En réaction à une statistique méconnue, près de 80% des situations de handicap en milieu professionnel sont de type invisible (Agefiph).

Qui peut demander la RQTH ? Éclairage sur les bénéficiaires potentiels

L’un des piliers de la politique d’inclusion française est l’ouverture du droit à la RQTH pour toute personne ayant une altération durable de ses capacités de travail. Concrètement, la loi du 11 février 2005 (loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées) pose le cadre.

  • Âge : Toute personne d’au moins 16 ans peut en faire la demande (15 ans sous certaines conditions pour les apprentis), sans limite d’âge supérieure.
  • Nationalité : Ouvert aux ressortissants français mais aussi aux personnes étrangères en situation régulière.
  • Situation professionnelle : Que vous soyez en poste, en recherche, en formation, stagiaire ou travailleur indépendant.

La demande n’est pas conditionnée à l’existence d’un contrat de travail ou à un taux d’incapacité minimal. Ce sont les éventuelles difficultés rencontrées dans l’accès ou le maintien en emploi du fait d’un handicap qui priment.

Les grands critères d’attribution détaillés

1. Existence d’un handicap ou trouble susceptible d’entraver l’insertion ou le maintien dans l’emploi

La clé : il doit s’agir d’un handicap reconnu au sens large. Cela comprend :

  • Les déficiences motrices (mouvements, déplacements, gestes fins…)
  • Les troubles sensoriels (vue, audition…)
  • Les handicaps "invisibles" (diabète, épilepsie, sclérose en plaques, troubles psychiques, maladie chronique…)
  • Les déficiences intellectuelles ou cognitives (troubles DYS, autisme, etc.)

Le handicap doit présenter un retentissement "significatif" sur la capacité de la personne à obtenir ou conserver un emploi (Article L5213-1 du Code du Travail).

2. Incidences sur le travail : la notion de « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi »

Ce critère, souvent flou, est décisif. La MDPH va examiner l’impact concret du handicap sur :

  • L’accès ou la reprise d’un emploi (difficultés dans la recherche, accès à la formation…)
  • Le maintien en poste (besoin d’adaptations, fatigabilité, rythme, mobilité intra-entreprise…)

Par exemple, un diabète qui impose des pauses thérapeutiques ou des aménagements de poste, un trouble anxieux rendant difficile l’accès à certains emplois, peuvent justifier la RQTH, même sans incapacité physique visible.

3. La notion de « compensation du handicap »

La commission va apprécier la nécessité de compensations (adaptation de poste, horaires aménagés, matériel spécifique…). Si l’environnement classique du travail ne permet pas d’exercer dans des conditions équivalentes à celles d’une personne non handicapée, la RQTH peut être accordée.

Niveau d’incapacité et RQTH : y a-t-il un seuil ?

Aucune condition de taux d’incapacité permanente n’est exigée pour l’obtention de la RQTH. À titre de comparaison, l’attribution d’une pension d’invalidité ou de l’allocation adulte handicapé (AAH) repose, elle, sur une reconnaissance d’un taux d’incapacité (50% ou 80%). Pour la RQTH, il s’agit essentiellement des effets du handicap sur l’activité professionnelle.

Selon la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie), près de 1,36 million de personnes disposaient d’une RQTH en France en 2022. La majorité ne bénéficiait néanmoins pas d’autres prestations de compensation ou de pensions, ce qui rappelle encore une fois la spécificité de ce dispositif.

Quels documents et informations motivent l’examen de la demande ?

La décision relève d’une analyse multidisciplinaire, à partir du dossier remis à la MDPH. Le certificat médical (généralement rempli par le médecin traitant) est essentiel, associé à un formulaire Cerfa (n°15692*01), et à tout document complémentaire attestant de la réalité du handicap et de son impact (bilans de santé, attestations, comptes rendus médicaux, compte rendu d’entretien professionnel...). Une fiche de liaison employeur peut, si besoin, préciser les tâches incompatibles avec la situation de santé.

À noter

  • La décision est prise après évaluation en commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH).
  • Le délai moyen de traitement est de 4 à 8 mois, parfois plus en fonction des départements (Défenseur des droits, 2019).

Focus : situations fréquentes et faux « non-éligibles »

Beaucoup hésitent à engager les démarches, par crainte de ne « pas être assez handicapé », ou par peur des stigmates. À titre d’exemple, la RQTH a été attribuée ces dernières années à de nombreux travailleurs dans les situations suivantes :

  • Femmes ou hommes atteints de pathologies chroniques (sclérose en plaques, cancer, MICI…) avec conséquences professionnelles réelles.
  • Troubles DYS (dyslexie, dyspraxie, etc.), qui impactent la lecture, l’écriture, la concentration dans des emplois administratifs ou de bureau.
  • Salariés en reconversion après un accident ou une maladie invalidante, même « stabilisée ».
  • Personnes vivant avec un trouble du spectre de l’autisme nécessitant des adaptations ou un rythme particulier.
  • Maladies « taboues » (type dépression chronique, bipolarité) dès lors qu’elles compliquent manifestement l’accès au marché classique du travail.

La diversité des profils éligibles confirme l’importance de dépasser la seule vision du handicap « lourd » ou « visible ».

Quels sont les avantages concrets à la clé ? Pourquoi faire la démarche ?

Déposer un dossier pour la RQTH, c’est avant tout ouvrir la porte à des droits élargis :

  • Droit à l’accompagnement et à l’orientation professionnelle par Cap Emploi, Pôle Emploi ou la Mission Locale.
  • Priorité d’accès à certaines formations ou dispositifs de maintien dans l’emploi.
  • Aménagement possible des conditions de travail : horaires, temps partiel thérapeutique, télétravail, matériel adapté, etc.
  • Bénéfice de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH) pour les entreprises.
  • Protection accrue en cas de licenciement, et accès facilité à certaines aides de l’Agefiph ou du FIPHFP (secteur public).

À ce titre, à la fin 2021, 53% des bénéficiaires de la RQTH étaient en emploi, montrant l’impact positif de ce statut sur l’insertion professionnelle (Ministère du Travail).

Le dépôt du dossier en pratique à Caen (et ailleurs) : conseils et points de vigilance

  1. Contactez la MDPH du Calvados ou de votre département pour obtenir le dossier complet (en version papier ou numérique).
  2. Soignez le certificat médical – il doit préciser la nature des limitations fonctionnelles et les impacts sur la vie professionnelle.
  3. N’omettez pas d’indiquer dans le formulaire Cerfa les difficultés précises vécues dans l’emploi, et les adaptations nécessaires.
  4. Pour augmenter vos chances, joignez tous les bilans médicaux pertinents (ne vous limitez pas au minimum requis).
  5. En cas de refus, un recours est possible, notamment avec l’aide d’une association locale d’usagers ou du Défenseur des droits.

Selon la MDPH du Calvados, le taux de première reconnaissance ou de renouvellement de la RQTH reste élevé, autour de 69% d’avis favorables sur la période 2022-2023. N’hésitez donc pas à solliciter un accompagnement, notamment pour formuler clairement vos besoins.

Pistes pour aller plus loin

L’évaluation des critères de la RQTH n’est pas une science exacte ; elle repose encore largement sur l’appréciation des incidences du handicap dans un contexte de travail donné. Le paysage législatif évolue ; la dynamique de l’emploi inclusif aussi. Pour chaque situation, un conseil sur-mesure, au plus près de votre vécu, peut faire la différence.

Vous avez un doute sur l’éligibilité d’une pathologie, besoin d’aide pour constituer votre dossier ? Des associations locales, les travailleurs sociaux, les médecins du travail et les plateformes d’accompagnement numérique de la MDPH sont des partenaires indispensables.

Mobilisés pour Vivre Autrement encourage tout citoyen, proche, professionnel ou personne concernée à oser la démarche et à s’appuyer sur les ressources collectives : Handicap.fr publie régulièrement des fiches pratiques très précises, et la CNSA propose un dossier complet sur son site.

Les critères sont faits pour inclure, pas exclure – à chacun de s’en emparer !

En savoir plus à ce sujet :

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