Accès aux soins et handicap : un droit fondamental en question

L’accès aux soins est un droit universel, consacré par la Constitution française et par de nombreuses conventions internationales (notamment la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées). Pourtant, en France, malgré un cadre réglementaire robuste, ce droit n’est pas toujours une réalité pour toutes et tous.

Selon l’Insee, plus de 12 millions de personnes vivent avec un handicap (soit près de 18 % de la population). Ce chiffre met en lumière l’importance de garantir une égalité d’accès pour un public de plus en plus visible et revendiquant légitimement ses droits. Mais à quelles obligations légales ont droit les personnes en situation de handicap concernant la santé ? Quels sont les dispositifs existants, les obstacles persistants, les leviers pour avancer ?

Cet article vous propose un panorama concret et pédagogique, pour comprendre, faire respecter et faire évoluer les droits dans l’accès aux soins.

Un socle de droits garantis par la loi

  • Loi du 11 février 2005 Cette loi « pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » pose un principe fort : « toute personne handicapée a droit à la solidarité nationale, qui lui garantit, en vertu de cette obligation, l’accès aux droits fondamentaux reconnus à tous citoyens, ainsi que le plein exercice de sa citoyenneté. »
  • Code de la santé publique Il précise, dans son article L1110-3, que la personne « handicapée a droit, comme toute autre personne, à la prévention, aux soins et à la compensation des conséquences de son handicap ».
  • Article L. 114-1 du code de l’action sociale et des familles Il insiste que « nul ne peut faire l’objet d’une discrimination » pour raison de handicap dans l’accès aux soins, à la prévention et à l’accompagnement.

Ces textes rendent obligatoire la prise en compte du handicap à tous les niveaux du parcours de soin, qu’il s’agisse d’accessibilité physique, d’accompagnement humain ou d’adaptation des pratiques de santé.

Des obstacles persistants sur le terrain

Malgré ces garanties, de nombreux rapports pointent des inégalités marquées. La DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques) estimait en 2021 que 22 % des personnes ayant une limitation fonctionnelle déclaraient avoir déjà renoncé à des soins pour des raisons de coût, mais aussi d’accessibilité (source : Drees, 2021).

Voici quelques-unes des principales difficultés encore courantes :

  • Inadéquation de l’accessibilité physique : encore aujourd’hui, de nombreux cabinets médicaux, hôpitaux ou centres de soins n’offrent pas une accessibilité totale aux personnes à mobilité réduite (portes trop étroites, absence de rampe, signalétique non adaptée…).
  • Barrières à la communication : information non traduite en facile à lire et à comprendre (FALC), absence d’interprètes en langue des signes française (LSF), manque de formation à l’accueil de personnes ayant des troubles cognitifs ou psychiques, etc.
  • Difficultés de prise en charge spécifique : manque de médecins formés, limites dans le temps de consultation, surcharge des structures de soins dédiées (ex : consultations spécialisées dans les hôpitaux).
  • Discrimination ou peur de discrimination : selon le Défenseur des droits, 14 % des saisines pour discrimination concernent le handicap, dont une part dans le secteur de la santé (Rapport annuel 2022).

Le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH) alerte ainsi : « le non-recours aux soins est plus fréquent chez les personnes en situation de handicap, aggravant leur état de santé et leur isolement ».

Obligations et responsabilités des structures de santé

La loi impose aujourd’hui des réponses concrètes. Voici les principales responsabilités attendues des établissements de santé publics comme privés :

  • Accessibilité totale : tous les cabinets libéraux, maisons de santé et hôpitaux doivent garantir l’accessibilité physique, sensorielle et cognitive de leurs locaux (Décret n° 2014-1326, agenda d’accessibilité programmée).
  • Non-discrimination : toute forme de refus de soins dû au handicap est illégale et peut être poursuivie.
  • Accompagnement : les établissements doivent permettre la présence d’un aidant ou interprète selon le besoin, adapter leur organisation interne, proposer des dispositifs d’accueil spécifiques (ex : consultations longues).
  • Formation du personnel : obligation de former médecins, infirmiers, secrétaires et agents d’accueil à l’accueil et à la prise en charge des personnes handicapées (Plan « Handicap et Santé 2022-2025 »).
  • Information accessible : diffusion systématique d’informations en FALC, en braille, en audio, et sur support numérique accessible.

Dispositifs et aides pour favoriser un accès effectif aux soins

  • Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH)
    • Évalue les besoins et ouvre les droits à la PCH (Prestation de compensation du handicap), qui peut couvrir les frais d’accompagnement, de transport ou de matériel adapté.
    • Oriente vers des structures de soins adaptées.
  • Dispositif « Handiconsult »
    • Consultations spécifiques en CHU ou hôpitaux généraux pour bilan, suivi ou soins spécialisés (santé orale, soins somatiques, santé mentale, etc.).
  • Service d’Accompagnement Médico-Social pour Adultes Handicapés (SAMSAH) / Service d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS)
    • Accompagnement coordonné pour organiser les soins, assurer la présence d’un médiateur ou d’un professionnel pour faciliter l’accès au parcours de santé.
  • Aides au transport
    • Prise en charge par la CPAM possible sur prescription, aides locales (pour les transports adaptés : Handicar, transports solidaires…).
  • Associations et collectifs spécialisés
    • Nombre d’associations locales (APF France Handicap, Unapei, Fédération des Aveugles…) peuvent accompagner l’usager dans ses démarches, proposer des médiateurs de santé et orienter vers des structures adaptées.

Lutte contre le refus de soins : leviers et recours

Malgré le cadre légal, le refus de soins reste une réalité : dans une enquête de 2016 publiée par l’UFC-Que Choisir, 15 % des cabinets médicaux parisiens contactés ont refusé de prendre un patient handicapé moteur, souvent faute d’accessibilité ou de formation (UFC-Que Choisir).

  • Que faire ?
    • Signaler tout refus auprès de la CPAM et du Conseil de l’Ordre des Médecins.
    • Saisir le Défenseur des droits (possibilité de médiation et d’orientation vers les solutions judiciaires si besoin).
    • Se rapprocher d’associations pour obtenir un soutien juridique et médiatique.
  • Bon à savoir : une sanction disciplinaire et pénale est prévue en cas de refus illégal ou de discrimination, allant de la suspension d’exercice à l’amende.

Repères et bonnes pratiques : ce que toute structure de soins devrait mettre en place

  • Réaliser un diagnostic d’accessibilité physique et apporter les adaptations nécessaires (signalétiques, sanitaires adaptés, cheminement sans obstacles…)
  • Former le personnel à l’accueil, la communication adaptée et la gestion de situations complexes
  • Adapter les outils d’information (FALC, pictogrammes, supports audio/vidéo…)
  • Proposer des créneaux allongés ou dédiés pour certains actes (notamment en santé mentale ou pour des personnes ayant des troubles du spectre autistique)
  • Mettre à disposition un référent handicap pour les situations complexes
  • Collaborer avec les acteurs du médico-social ou du secteur associatif local pour compléter l’offre d’accueil et de soins

Où se renseigner et faire valoir ses droits ?

Pour aller plus loin : une dynamique collective à renforcer

Réduire les inégalités d’accès aux soins des personnes en situation de handicap ne relève pas seulement de la loi, mais d’un effort partagé : établissements de santé, pouvoirs publics, professionnels, familles, associations, chacun joue un rôle central.

Des progrès ont eu lieu ces dix dernières années (notamment dans le domaine de la formation initiale des soignants, ou la création des plateformes régionales Handiconnect), mais la vigilance reste de mise. L’Observatoire national de la pauvreté et de l’exclusion sociale rappelle que l’accès aux soins de qualité, dans la dignité, demeure un enjeu d’égalité citoyenne.

S’informer, signaler les difficultés, revendiquer ce droit fondamental, mais aussi partager les réussites collectives, restent des leviers pour une société plus inclusive et solidaire. La question posée – « quels sont les droits des personnes handicapées dans l’accès aux soins ? » – invite aussi à réfléchir à une meilleure reconnaissance des expertises, à commencer par celles des personnes concernées elles-mêmes.

Sources principales utilisées :

  • Ministère des Solidarités
  • DREES (2021, 2023)
  • Défenseur des droits (Rapport annuel 2022)
  • CNCSP, rapport « Handicap et accès aux soins »
  • Insee, données handicap en France
  • UFQ-Que Choisir, 2016-2021

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